Boris Giltburg

Deux Chaconnes pour Paris

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À la mémoire des victimes des attaques terroristes du 13 novembre 2015 à Paris.


En suivant les terribles nouvelles de cette nuit du 13 novembre, je lisais cette citation de Léonard Bernstein "twittée" sur Classic FM:

« Telle sera notre réplique à la violence : faire une musique plus belle, plus empreinte d'intensité et de spiritualité que jamais. »

Au début, j’ai pensé que c’était là une platitude (mais de celles qui sont fortes) faite pour contenir notre impuissance : que pouvions-nous faire d'autre en tant que musicien, face à la violence et la destruction ? Mais en y réfléchissant, j’ai réalisé que Bernstein avait raison au moins à deux niveaux : comme tout art, la musique a la capacité d'exprimer ce qu'il y a de plus fort dans nos émotions; d'émotions que nous serions véritablement incapables d’exprimer vraiment avec des mots. Ce peut être un soulagement que d'expulser un peu de la colère qui est en nous, cela peut apporter du réconfort et un soutien. Mais plus encore, la musique, comme tout art, par le fait même de la création et de l'apport d'une nouveauté au monde, est en opposition à toute force qui vient pour tuer, détruire et terroriser.

A ces attaques, voici donc ma réponse en tant que pianiste : jouer deux chaconnes. La chaconne est une danse funèbre d’origine espagnole, que plusieurs compositeurs classiques ont transformé pour exprimer leurs pensées sur la mort. La Chaconne de Sofia Goubaïdoulina, écrite en 1962, est pour moi totalement sur l'idée de la non-acceptation de la mort : c'est comme une brûlure, avec de la rage, une fureur pleine de colère que je perçois comme étant juste, colère à l'égard d'une mort injuste, prématurée, mauvaise. La Chaconne de Bach est plus profonde, d'une plus grande ampleur. Je la vois comme une vie entière condensée en 15 minutes, une oeuvre musicale célèbrant la vie, qui accepte et embrasse la mort et qui finalement la dépasse et la transcende.

La Chaconne de Bach a été enregistrée au cœur de Paris il y a quelques mois, celle de Gubaïdulina, la nuit dernière à la maison.

(Je remercie Mme Hélène Giraudier-Bonet et M. Pierre Charrin pour la traduction française)


Gubaidulina

Bach-Busoni

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